Aller au contenu

Rémunération des artistes plasticien.ne.s : les choses bougent en Suisse

La question du salaire des artistes a émergé en 2008 à New York avec le mouvement WAGE (Working artists and the greater economy). Elle fait débat dans de nombreux pays européens.  Suite à l’excellent article « pour argent comptant » de Samuel Schellenberg paru dans le Courrier du 20 mai 2021, laFAP a voulu comprendre un peu mieux la situation de nos ami.e.s platicien.e.s suisses. Et il est réjouissant de se rendre compte que les choses bougent en matière de rémunérations.

Pour Schellenberg, aujourd’hui, les musées suisses sont sous pression pour qu’ils paient un honoraire aux artistes. Un changement de paradigme, mais aussi de statut pour les plasticien·nes.

Initialement, le constat est identique à celui que l’on peut dresser en Belgique : « de toutes les personnes impliquées dans une exposition, du personnel technique ou de gardiennage à la direction et aux commissaires, les artistes sont bien souvent les uniques protagonistes à ne percevoir aucun honoraire. Zéro. » (Schellenberg)

« Cette situation repose sur un postulat, celui que l’exposition augmente la visibilité et la plus-value des artistes qui pourront être rémunéré·e·x·s dans un second temps par la vente de leurs oeuvres, mais il n’y a aucune garantie que ce sera le cas. En effet, peu sont les personnes qui ont l’opportunité de vivre de cette activité. Et selon l’étude internationale réalisée en 2018 par The Creative Commons seulement 12 % des répondant·e·x·s affirment que les ventes de leurs œuvres par les galeries les ont aidés à les soutenir financièrement6. En effet, beaucoup de pratiques artistiques n’ont pas leur place sur le marché de l’art. » (G.A.R.A.G.E.)

Plusieurs mouvements convergent vers une réglementation d’un marché jusqu’ici dérégulé.

En 2016 l’association professionnelle Visarte a publié un guide de rémunérations et prestations d’artistes visuel·les récemment mis à jour.

WEB-Visarte-Honorarleitlinie2020

En 2018, à Genève, la table ronde sur le droit et la rémunération des artistes aboutit à la création d’un groupe de travail ouvert à toutes et à tous : G.A.R.A.G.E. – Groupe d’Action pour la Rémunération des Artistes à Genève créé afin d’engager des actions concrètes pour une meilleure régulation du travail artistique à Genève. 

En 2019, G.A.R.A.G.E. demande notamment qu’il soit inscrit dans les conventions entre les pouvoirs subventionnant et les institutions (diffuseurs) que ces dernières « doivent rémunérer toute·x·s les artistes invité·e·x·s selon un montant correspondant à la réalité du travail effectué, en concertation avec chaque artiste, avec un contrat, en fonction d’un barème et ceci en observant les lois et règlements pour les cotisations aux assurances et les prestations sociales »

(LETTRE OUVERTE – GARAGE – Groupe d’Action pour la Rémunération des Artistes (tumblr.com) )

En janvier 2021, le Message culture 2021-2024 de la Confédération helvétique mentionne explicitement l’obligation de rémunérer les artistes si une structure désire obtenir des subventions de l’Office fédéral de la culture (OFC) ou de la Fondation Pro Helvetia, les deux organes nationaux de financement culturel.

Dans la foulée, les 3 principales associations muséales suisses (L’Association des musées suisses (AMS), l’Association des Musées d’art suisses (AMAS) et l’Association des institutions Suisses pour l’art contemporain (AISAC) publient une recommandation commune sur la rémunération des artistes.

cp-honoraires-artistes-def

https://www.museums.ch/fr/assets/files/dossiers_f/cp-honoraires-artistes-def.pdf

Associations des musées et associtation professionnelle des artistes se concertent pour fixer les honoraires d’artistes sans aboutir à un document commun. Si les deux forces en présences s’entendent sur l’honoraire de base — de 500 à 5000 francs pour une exposition, ­selon la taille de l’institution —, « Visarte demande en sus un salaire horaire de 90 francs, histoire de couvrir «la conception, planification et réalisation des œuvres». Pour un solo show en Kunsthalle comportant une majorité de nouvelles pièces, la facture totale pourrait facilement atteindre 15 000 francs. Beaucoup trop, ont estimé certaines institutions. » (Schellenberg)

Comme le souligne Schellenberg, définir une rémunération ne règle pas encore le problème du statut de l’artiste. «  Car les batailles actuelles sont aussi celles pour l’établissement d’une véritable protection sociale. «Or pour cela, il faut que les artistes puissent déclarer leur travail et payer des charges sociales.» Et donc avoir un statut reconnu. »

La question de l’intervention d’argent public dans la production des œuvres lorsqu’elles se retrouvent sur le marché (si elles se retrouvent sur le marché) est également discutée.

Laisser un commentaire