Parlement de la FWB
Le 22 février 2022, Benoît Dispa s’inquiète que la Ministre Linard ne participe pas aux négociations sur le statut de l’artiste. Il demande si en tant que ministre, Madame Linard ne trouve pas utile de défendre, dans le cadre des discussions actuelles sur le statut, l ’intérêt des artistes plasticiens en demandant un dispositif de rémunération structurelle dans leur secteur? La réponse de la Ministre est évasive: elle dit avoir demandé que les nouvelles conventions signées avec les opérateurs d’arts plastiques prévoient des obligations concernant la rémunération. Mais il s’agit de rétribuer tout auteur de projet artistique en adéquation avec les moyens à disposition de l’institution. Or, depuis toujours, les opérateurs considèrent qu’ils n’ont pas les moyens de rémunérer les artistes.
22-02-2022-1.9 Question de M. Benoît Dispa, intitulée «Réforme du statut de protection sociale de l ’artiste» M. Benoît Dispa (cdH). – Depuis plusieurs mois, les cabinets des ministres Dermagne, Clarinval et Vandenbroucke travaillent sur le très attendu projet de réforme du statut de protection sociale des artistes. Madame la Ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises que cette réforme était exclusivement menée au niveau fédéral et que la Fédération Wallonie-Bruxelles n’y était pas associée. Il y a quelques semaines, alors que la rédaction des textes de loi allait débuter, vous indiquiez suivre les travaux et prendre connaissance de notes et de débats sur le sujet. J’en déduis que vous n’êtes pas réellement partie prenante dans ces discussions. Cela revient à rester au balcon sans être associée aux négociations, comme si la répartition des compétences obligeait à travailler de manière cloisonnée. Ce choix me paraît dangereux pour l’avenir du secteur culturel francophone. Plusieurs membres de la présente commission et le secteur ont exprimé cette crainte. Dès la première session d’auditions organisée la semaine dernière, nous avons souligné l’importance et l’urgence pour la Fédération Wallonie-Bruxelles de se saisir réellement de cette réforme en cours. Particulièrement inquiète, la porte-parole d’une fédération professionnelle estime que la réforme du statut, en cours de discussion au niveau fédéral, pourrait apporter un meilleur calibrage aux réalités de nos métiers, mais qu’elle risque d’évincer des personnes, dont le travail pourtant réel n’aura pas été assez rémunéré. Ces personnes n’auront pas assez cotisé pour renouveler leur statut. Il faut relayer cette inquiétude à vos collègues du niveau fédéral! C’est une matière fédérale, mais je souhaite rappeler que sur les 5 500 personnes bénéficiant du statut fédéral, 80 % sont francophones. J’espère que la Fédération Wallonie-Bruxelles prendra sa part dans la revalorisation de ces emplois et de notre secteur en général. Ce ne sont pas les partis flamands qui nous défendront. Nous avons besoin d’un front francophone pour aboutir à un statut qui soit réellement protecteur.
Madame la Ministre, entendez-vous cet appel? Pour reprendre l’expression, monterez-vous au front? Forcerez-vous la porte des négociations? Manifestement, le secteur compte sur sa ministre de tutelle pour relayer ses avis et plaider sa cause avec détermination. Votre présence à la table des décideurs me paraît donc indispensable. Envisagez-vous d’y siéger, ne serait-ce que pour y défendre les demandes sectorielles relatives à cette réforme et qui ont été compilées dans la note «WITA» ? Il me semble véritablement précieux que vous puissiez faire entendre votre voix auprès des collègues du pouvoir fédéral.
À titre d’exemple, la Fédération des arts plastiques (FAP) travaille, depuis sa création, à l’élaboration d’une charte des bonnes pratiques et d’une grille de rémunération minimale, qui règlera la partie financière des relations entre l’artiste et le lieu d’exposition. En tant que ministre, ne trouvez-vous pas utile de défendre, dans le cadre des discussions actuelles sur le statut, l ’intérêt des artistes plasticiens en demandant un dispositif de rémunération structurelle dans leur secteur?
Le Parlement européen a adopté la résolution du 20 octobre 2021 sur la situation des artistes et la reprise culturelle dans l’Union européenne invitant la Commission «à proposer un statut européen de l’artiste, fixant un cadre commun pour les conditions de travail et des normes minimales communes à tous les pays de l’Union […] par l’adoption ou l’application d’un certain nombre de principes directeurs cohérents et complets en ce qui concerne notamment les contrats, les modes de représentation et de gestion collectives, la sécurité sociale, l ’assurance maladie et chômage, les régimes de pension, la fiscalité directe et indirecte, les obstacles non tarifaires et l’asymétrie des informations.»
Ce texte tout comme la réforme en préparation au niveau fédéral ne vous concernent-ils pas au premier chef? Il serait regrettable d’attendre que l’État fédéral définisse, seul, ce nouveau statut de protection sociale de l ’artiste. En votre qualité de ministre de tutelle, il me paraît urgent que vous puissiez vous engager dans ce projet qui doit être en phase avec les réalités du terrain et les attentes sociétales. Comment comptez-vous entrer davantage dans ce processus de négociation?
Mme Bénédicte Linard, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes. – Monsieur le Député, la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas associée aux négociations menées par le pouvoir fédéral sur cette matière, qui relève exclusivement des compétences de ce dernier. À plusieurs reprises, j’ai cependant fait part aux ministres Dermagne, Vandenbroucke et Clarinval de ma volonté de participer aux travaux sur cette réforme très importante pour le secteur culturel. À ce jour, je n’ai pas eu d’échange à ce sujet avec les ministres, pas même lors des réunions du groupe de travail sur la position socio-économique des artistes.
Comme vous, j’attends que le pouvoir fédéral prenne position par rapport à la note «WITA» du groupe de travail que les trois cabinets fédéraux à la manœuvre ont instauré pour travailler sur la réforme. Le travail de la FAP à la mise au point d’une charte des bonnes pratiques et d’une grille de rémunération minimale qui règlera la partie financière des relations entre l’artiste et le lieu d’exposition est une initiative qui retient depuis longtemps toute mon attention.
En effet, en février, j’ai saisi la Chambre de concertation des arts plastiques en lui soumettant le projet de charte pour étude et avis. La Chambre a donc mené une réflexion sur les modes de rétribution des artistes plasticiens, y compris les droits de monstration. Ce travail s’appuie sur la proposition faite par la Fédération elle-même, sur les concertations déjà menées entre nos opérateurs subventionnés et des plasticiens et sur le cadre de rémunération pour les artistes et les commissaires d’exposition indépendants, qui vient d’être réalisé par le Kunstenpunt et le Flanders Arts Institute.
Les conclusions de ce travail m’ont été transmises la semaine dernière. Sans attendre celles-ci, comme précisé dans le journal «Le Soir», la FAP a saisi la chambre de concertation concernée et le Conseil supérieur de la culture (CSC). Il est de leur droit d’agir de la sorte et la démarche est positive, d’autant plus que le travail est en voie de finalisation. Mon cabinet analysera donc les propositions pour envisager leur mise en œuvre. Le cas échéant, nous nous adresserons à laFAP, que nous avons déjà rencontrée en 2021.
Sans attendre ces conclusions, nous avons déjà avancé sur le thème. Depuis 2021, toutes les conventions signées prévoient des obligations concernant la rémunération. Il s’agit de rétribuer tout auteur de projet artistique en adéquation avec les moyens à disposition et le travail fourni par les prestataires artistiques. Les rapports annuels évalueront l’application de cette obligation. Elle a été assortie d’une augmentation significative des budgets pour le secteur des arts plastiques.
En effet, en 2021, le secteur a vu son enveloppe augmenter de 345 000 euros, dont 310 000 euros pour des politiques nouvelles, afin de répondre aux besoins des centres d’arts. De plus, 140 000 euros supplémentaires ont été inscrits au budget initial de 2022 pour le renouvellement de conventions et les demandes de premier conventionnement.
Enfin, par rapport à la réforme du statut, je ne manquerai pas de défendre personnellement l’intérêt de nos artistes dans le cadre des espaces de négociation qui s’offrent à moi, notamment lors de la prochaine réunion de la CIM Culture, qui aura lieu en avril.
M. Benoît Dispa (cdH). – Madame la Ministre, je vous remercie pour cette réponse très complète. Je me réjouis des concertations en cours en Fédération Wallonie-Bruxelles sur le cadre de rémunération des artistes plasticiens. En revanche, je suis quelque peu dépité d’apprendre votre mise à l’écart des négociations menées par le gouvernement fédéral à propos du statut des artistes. Vous dites que vous souhaitez y être associée, mais que notre Fédération n’est pas invitée à ces négociations.
Il me semble qu’il y a un problème d’ordre politique. Je ne vous fais aucun reproche, Madame la Ministre. Je comprends que vous ne participiez pas aux réunions si vous n’y êtes pas invitée. Si je compare la majorité politique de la partie francophone du gouvernement fédéral et celle de la Fédération Wallonie-Bruxelles, elles sont identiques. Un accord devrait être conclu pour que la ministre de la Culture, compétente à l’égard des artistes, soit pleinement associée aux négociations relatives à leur statut social. Il y a quelques semaines, certains membres de la majorité ont souhaité que vous participiez aux réunions du Codeco. J’ignore si vous y avez été associée. En suivant la même logique, il est incompréhensible que la ministre de tutelle ne soit pas partie prenante des négociations qui ont lieu sur le statut des artistes. Je vous invite, Madame la Ministre, à forcer la porte et à solliciter de vos partenaires politiques qu’ils vous associent aux négociations. Sans votre participation, la Fédération Wallonie-Bruxelles sera mise devant le fait accompli. Les craintes exprimées par le secteur risquent de se vérifier et ce serait très dommageable. J’invite donc la majorité à modifier la configuration des négociations pour que la voix du gouvernement soit pleinement entendue sur cette question.
Si laFAp est heureuse d’apprendre que sa grille de rémunération est une initiative qui retient depuis longtemps toute l’attention de la Ministre Linard, elle s’étonne des exemples convoqués pour en attester.
La Ministre dit que « Depuis 2021, toutes les conventions signées prévoient des obligations concernant la rémunération. » Mais cette mention de rémunération n’est nullement chiffrée. Il n’y a même pas d’ordre de grandeur. C’est donc l’employeur et lui seul qui décide ce qu’il concède comme rémunération. Peut importe que ce soit purement symbolique. La ministre explique ensuite qu’ « il s’agit de rétribuer tout auteur de projet artistique en adéquation avec les moyens à disposition et le travail fourni par les prestataires artistiques. » A suivre la Ministre la rémunération ne dépend pas du travail de l’artiste, mais des moyens de l’opérateur. Imagine-t-on une école rémunérer ses enseignants en fonction des moyens dont elle dispose ? Par ailleurs on ne comprends pas ce que signifie « le travail fourni par le prestataire artistique ». La Ministre veut-elle dire que si le lieu subventionné pour accueillir des exposition fournit un travail (par exemple une aide technique pour l’accrochage) cela modifie la rémunération de l’artiste? Ou bien faut-il comprendre que « prestataire artistique » signifie artiste? Dans ce cas la rémunération varie en fonction du travail de l’artiste et des moyens du lieu de monstration. Il s’agit bien de rémunérer le travail mais de manière variable. Travail égal ne signifie alors plus salaire égal.
Par ailleurs, la Chambre de concertation aurait été saisie d’une demande d’avis en février. S’il s’agit de février 2022, ce n’est pas vraiment le signe que notre initiative retient son attention depuis fort longtemps puisque nous avons envoyés une première grille de rémunération à son cabinet en décembre 2020. S’il s’agit de février 2021, on ne peut que s’étonner du fonctionnement d’un organe de bonne gouvernance qui prend un an pour remettre un avis. Dans tous les cas, on se demande pourquoi cette demande n’apparaît pas dans les OJ des travaux de la chambre.
On remarque encore que le travail de réflexion du cabinet de la Ministre « s’appuie sur la proposition faite par la Fédération elle-même, sur les concertations déjà menées entre nos opérateurs subventionnés et des plasticiens et sur le cadre de rémunération pour les artistes et les commissaires d’exposition indépendants, qui vient d’être réalisé par le Kunstenpunt et le Flanders Arts Institute ». Nous apprenons donc que des concertations ont lieu avec les opérateurs subventionnés (on discute donc de la rémunération des artistes avec leurs employeurs) certains plasticiens (on se demande lesquels et qui ils représentent), alors que la Fédération des arts plastiques qui par statut, structure et fonctionnement représente le secteur ne participe pas à ces concertations.