A la Chambre
Marie-Colline Leroy rappelle à Frank Vandenbroucke faute de fixation de rémunérations proportionnelles au travail engagé lors de l’exposition publique de leur travail, les plasticiens, plasticiennes n’auront que très exceptionnellement accès au statut tel qu’il se profile dans le cadre de sa réforme et ne pourront pas bénéficier d’une couverture chômage. (MCL rejoint ici l’analyse que laFAP faisait de la note WITA en septembre 21) Elle lui demande ce qui est prévu dans le cadre de cette réforme par rapport à cette fédération et ce secteur d’activité en particulier et ce qu’il compte faire pour permettre aux artistes plasticiens d’accrocher aussi leur secteur au convoi de la réforme?
09-03-2022. 03 Question de Marie-Colline Leroy à Frank Vandenbroucke (VPM Affaires sociales et Santé publique) sur « La grille tarifaire et la rémunération des artistes plasticien.ne.s » (55025667C)
03.01 Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je ne vous apprends rien en vous disant que la Fédération des Arts plastiques (FAP), vient de rendre publique une proposition de rémunération minimale qu’elle voudrait obligatoire dans tous les lieux subventionnés par les entités fédérées. La presse, les syndicats, la Chambre de concertation des Arts plastiques, le Conseil de la Culture ont donc été contactés.
En effet, lors d’une exposition dans un centre subsidié, tout le monde est payé sauf l’artiste plasticien ou plasticienne, contrairement à l’animateur culturel, au chargé de communication, au technicien qui accroche. Hormis l’acte de création, l’acte d’exposition demande du travail: conception et sélection, supervision de l’accrochage, emballage des oeuvres, etc. Les droits d’auteur sont une chose, un contrat de travail et un engagement au cachet en sont une autre. La FAP demande une charte des bonnes pratiques et une grille tarifaire, comme cela existe dans d’autres pays, en France par exemple. Il s’agit ici d’équité par rapport aux autres secteurs culturels.
Sans modification de la rémunération, alors que la réforme du « statut d’artiste » avance, leur situation reste en statu quo puisque, faute de fixation de rémunérations proportionnelles au travail engagé lors de l’exposition publique de leur travail, les plasticiens, plasticiennes n’auront que très exceptionnellement accès à ce statut et ne pourront pas bénéficier d’une couverture chômage. J’imagine que, là non plus, je ne vous apprends rien.
Monsieur le ministre, en lisant cet appel de la FAP et ne trouvant rien dans les notes initiales, je me suis demandé ce qui était prévu particulièrement dans le cadre de cette réforme par rapport à cette fédération et ce secteur d’activité en particulier. La ministre de la culture l’a dit ce 22 février en commission, elle attend le rapport du groupe technique WITA et la concertation avec le fédéral pour pouvoir prendre position. Que comptez-vous faire pour permettre aux artistes plasticiens d’accrocher aussi leur secteur au convoi de la réforme?
Je vous remercie.
03.02 Frank Vandenbroucke, ministre: Madame la présidente, je souscris absolument à la demande du secteur de passer des accords concernant une rémunération équitable au sein du secteur. Pour une partie du secteur, les conventions collectives de travail garantissent une rémunération minimale aux salariés. Pour les travailleurs des arts qui sont indépendants ou sous statut 1bis, il n’existe actuellement aucune convention obligatoire.
Lorsque nous avons lancé le trajet de réforme Working in the Arts en mars dernier, nous avons défini trois objectifs: le renforcement de la pratique artistique, la solidarité avec et au sein du secteur et l’assurance d’une base plus large pour la protection sociale des travailleurs artistiques.
La lutte contre le travail invisible et non rémunéré fait partie des objectifs clés de la réforme. L’instauration d’une rémunération minimum renforce la pratique artistique des travailleurs de l’art, en leur permettant de tirer un revenu suffisant de leur travail et d’investir dans leur pratique artistique. L’instauration d’une rémunération minimum nécessite également de la solidarité au sein du secteur, la solidarité des commanditaires et des organisations artistiques pour réserver des ressources suffisantes afin de payer le travail artistique des travailleurs des arts.
Dans le trajet de réforme, j’ai prévu, conjointement avec les ministres de l’Emploi et des Indépendants, une deuxième phase au cours de laquelle nous examinerons également des accords sectoriels contraignants en matière de rémunération minimale. Le secteur des arts au sens large sera une nouvelle fois associé à ce processus par l’intermédiaire de workinginthearts.be. En ce qui concerne la coopération avec les entités fédérées, nous avons déjà demandé, dans le cadre du groupe de travail de la CIM Culture, quelles initiatives elle prévoit pour garantir une rémunération équitable dans le secteur. La Communauté flamande a fait référence à l’initiative Juist is juist lancée par oKo, la fédération flamande du secteur des arts professionnels. Cette initiative Juist is juist établit des principes clairs et équitables en matière de rémunération et de coopération dans le secteur des arts.
Dans l’accord VIA3 pour ce même secteur, la Communauté flamande fournit des moyens pour développer davantage cet aspect. La sensibilisation du secteur et la fourniture de lignes directrices sont des premières étapes importantes vers l’introduction d’une rémunération minimale obligatoire. J’invite toutes les entités fédérées à prendre des initiatives qui renforcent la pratique artistique professionnelle des travailleurs des arts.
La déclaration de force obligatoire des conventions collectives de travail sous-sectorielles ou sectorielles contenant des dispositions sur les conditions de rémunération et de travail au moyen d’un arrêté royal relève de la compétence du ministre fédéral, M. Dermagne. Néanmoins, rien n’empêche les Communautés d’inclure, dans leurs conditions de subvention des institutions, des règles de rémunération minimales pour les travailleurs des arts. J’ai également mis cette proposition sur la table du groupe de travail de la Conférence interministérielle Culture.
03.03 Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie.
Cette deuxième phase sera en effet très importante. Le minimum de rémunération sera un enjeu majeur pour ces artistes plasticiens et plasticiennes. Vous avez parlé de solidarité; il en sera également question dans les conditions de renouvellement. En effet, pour les artistes plasticiens et plasticiennes, exposition vaut généralement rémunération, quels que soient les espaces culturels. Les conditions actuelles risquent de créer une situation compliquée car, dans la loi et dans les mécanismes d’allocation de chômage, exposition ne vaut pas rémunération. Nous risquons dès lors une situation complexe où les artistes plasticiens et plasticiennes travailleront parfois de manière très visible au travers d’expositions, mais ne seront toujours pas rémunérés. Cette deuxième phase est donc importante, les initiatives de sensibilisation le sont tout autant. Comme les textes sont en cours d’élaboration, il y a probablement une réflexion à mener en amont de l’écriture de ces textes sur la question des jours prestés et des règles de cachet et de renouvellement. Pour ce secteur particulièrement, cela pourrait s’avérer extrêmement pénalisant. Notre objectif n’est pas de réduire la base qui bénéficiera de ce statut mais de l’élargir. Je compte donc sur vous et vos collègues pour que vous y soyez très attentifs, ce dont je ne doute pas.