Le cabinet Degryse sacrifie les arts plastiques et numériques et creuse les inégalités entre les grands secteurs de la création
Faisant suite à la conférence de presse de la ministre Degryse du 10 octobre concernant les coupes budgétaires en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), et aux éléments communiqués par le cabinet, la Fédération des Arts Plastiques tient à faire part de son analyse et à alerter sur les impacts concrets de ces mesures pour le secteur des arts plastiques et numériques. Bien que ces mesures ne soient pas encore adoptées — elles devraient l’être le 17 décembre — il nous semble essentiel de partager les informations actuellement disponibles et d’en mesurer les conséquences probables pour le secteur.
Selon les informations communiquées, ont été acté en séance du 10 octobre plusieurs mesures d’économies (12,9 millions pour la culture en 2026) dont la non-indexation des subventions pour l’année 2026, présentée comme une mesure one shot, ainsi qu’un moratoire concernant plus spécifiquement les Arts Plastiques, les Langues Lettres et Livres, Centres Culturels, l’éducation permanente, la lecture publique, le Patrimoine et les Centres d’expression et de créativité.
« Concrètement, concernant le moratoire, cela signifie deux choses. Premièrement il n’y aura pas de reconnaissances de nouveaux opérateurs en 2026, 2027 et 2028. Deuxièmement, les demandes de renouvellement se feront à crédits constants (…). Il n’y aura pas de moyens nouveaux avant 2029. »1
Selon la Ministre, ces décisions visent à « mettre tous les secteurs sur un pied d’égalité ». Cependant les chiffres démontrent une réalité tout autre : les arts plastiques et numériques ne représentent à ce jour que 1,41 % des dépenses culturelles de la FWB (en recul de 0,13 point par rapport à 2023), contre 10,37 % pour la musique et 11,62 % pour le théâtre.2 Autrement dit, un gel supplémentaire des budgets est imposé dans un secteur déjà structurellement sous-financé et vient creuser encore davantage les inégalités existantes.
Un secteur exsangue, à bout de souffle
Jamais indexé, le secteur des arts plastiques et visuels subit depuis des années une érosion silencieuse de ses moyens. Un nouveau gel des financements conduira inévitablement à l’agonie de nombreux opérateurs, compromettant leurs missions auprès des publics et aurait des conséquences directes sur les rémunérations et l’accès au statut de travailleureuses des Arts, déjà largement en deçà de toute décence. De plus, à l’heure actuelle 60% des opérateurs en arts plastiques fonctionnent avec 0 à 2 équivalents temps plein, reposant largement sur le bénévolat et des équipes en surcharge, où une ou deux personnes assurent toutes les fonctions. Sans conventionnement, la structuration du secteur est freinée et nombre de petites structures, pourtant essentielles, risquent de disparaître malgré les efforts et le travail gratuit consentis. Mais, le manque de financement est désormais tel que même les structures les plus dotées se trouvent au bord de l’effondrement.
Ces annonces contredisent directement les engagements pris dans la Déclaration de Politique Communautaire, laquelle reconnaît — à juste titre — la précarité de notre secteur et entend :
- Poursuivre le refinancement de filières, en priorité celle des lettres et du livre, en réservant une partie des moyens au soutien à la carrière professionnelle des artistes. (…)
- Assurer une juste rémunération des artistes en poursuivant et en renforçant l’attention portée à l’emploi artistique (aspects quantitatifs et qualitatifs) généré par les opérateurs, dans l’examen des demandes de subventions et dans les évaluations.
- Soutenir la mise en place d’une juste rémunération pour tous les artistes visuels via les « droits de monstration », ainsi que la mise en place d’une charte de bonnes pratiques applicable à tous les lieux subventionnés par la FWB.
La Fédération des Arts Plastiques constate par ailleurs un manque préoccupant de clarté dans la communication autour de ces mesures. À ce jour, aucun détail n’a été transmis concernant les montants des économies attendues par secteur. Cette absence d’informations précises rend impossible toute évaluation de l’impact réel des décisions et empêche les opérateurs de se projeter dans leurs activités futures. L’absence prolongée d’un·e conseiller·ère aux arts plastiques au sein du cabinet accentue encore cette situation d’incertitude.
La Fédération des Arts Plastiques réaffirme sa solidarité envers l’ensemble des travailleureuses du secteur. Elle continuera à défendre activement les droits et les conditions d’existence de celles et ceux qui portent, souvent dans des conditions extrêmement précaires, la création et la transmission artistique au sein de notre société. La mobilisation et la concertation restent indispensables pour faire entendre la voix d’un secteur essentiel, trop souvent relégué au second plan.
1 Le cabinet annonce par ailleurs une reconduction automatique des opérateurs reconnus pour deux années à date de renouvellement. Cf. Courrier du cabinet de la Ministre Degryse du 15 octobre.
2 Chiffre issue du Focus Culture 2024 : https://lafap.be/erratum-focus-culture-2024-les-chiffres-corriges-font-disparaitre-les-arts-plastiques-du-camembert-de-repartition-budgetaire/
