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3 questions parlementaires à propos de la rémunération dans les arts plastiques

10 mai 2022

Lors de la séance du Parlement de la FWB du 10 mai 2020 trois Parlementaires ont interrogé la Ministre Linard à propos de la rémunération des artistes plasticien.ne.s:
1.2 Question de M. Charles Gardier, intitulée «Rémunération des artistes plasticiens»
1.3 Question de Mme Amandine Pavet, intitulée «Rémunération des artistes plasticiens»
1.4 Question de M. Matteo Segers, intitulée «Développement des arts plastiques et avenir des plasticiens et plasticiennes en Fédération Wallonie-Bruxelles»

M. Charles Gardier (MR). – Madame la Ministre, je vous interroge sur la rémunération des artistes plasticiens, sujet qui avait déjà été abordé par M. Dispa lors de la réunion de commission du 29 mars dernier.
Depuis sa création il y a deux ans, la Fédération des arts plastiques (FAP) travaille à la mise au point d’une charte des bonnes pratiques et d’une grille de rémunération minimale, laquelle règlera la partie financière des relations entre l’artiste et le lieu d’exposition. Cette grille de lecture est par ailleurs disponible sur le site internet de la FAP.
J’entends et salue naturellement les efforts que vous avez déployés l’égard des artistes plasticiens depuis le début de la pandémie de Covid-19. Je me fais toutefois le relais de leurs préoccupations au sujet du périmètre du futur statut de l’artiste, car les artistes plasticiens souffrent notamment de l’absence de rémunération structurelle lors de la monstration de leur travail. Il est en outre important que chaque discipline culturelle puisse se redéployer à pleine mesure du talent de ses artistes, qu’ils soient fortement médiatisés ou non.
Madame la Ministre, avez-vous pris connaissance de la grille de rémunération minimale pour les artistes plasticiens composée par la FAP? Quel regard portez vous sur cette grille? Envisagez-vous de prendre des initiatives afin de répondre à la demande de la FAP? Dans l’affirmative, lesquelles? Que ressort-il de la concertation au sein de la Chambre de concertation des arts plastiques à ce sujet?

Mme Amandine Pavet (PTB). – Les auditions du secteur culturel ont été l’occasion d’entendre de nombreux témoignages, tous plus inquiétants les uns que les autres, et de mettre en évidence plusieurs problématiques touchant ce secteur. J’aimerais ici relayer une partie de l’intervention du représentant de la Fédération des arts plastiques (FAP), qui avait pris la peine de se déplacer. Il a ainsi souligné le fait que, si 65 % des étudiants qui s’engagent dans des études supérieures artistiques s’inscrivent dans les filières d’arts plastiques, moins de 15 % des personnes qui obtiennent le statut exercent leur art dans ce domaine.
Il constate que les artistes plasticiens sont majoritairement exclus de la protection sociale, principalement à cause de l’absence de rémunération structurelle lors de la monstration de leur travail. Pour lui, «il est donc essentiel et urgent que la Fédération Wallonie-Bruxelles, en tant que pourvoyeur de subvention, veille à l’équité de traitement des travailleurs de la culture et mette en oeuvre un dispositif de rémunération dans le secteur des arts plastiques».
C’est pourquoi la FAP propose la création d’une grille de rémunérations, suivant les balises qu’elle a rédigées, dans tous les lieux subventionnés qui emploient au moins un équivalent temps plein. Elle demande aujourd’hui que l’administration calcule le coût de l’application de cette grille.
Lors de la réunion de commission du 30 novembre 2021, vous m’avez indiqué qu’une réflexion sur les modes de rétribution des artistes plasticiens était programmée dans le cadre des travaux de la Chambre de concertation des arts plastiques et que la mise en oeuvre d’une charte basée sur un cadre référentiel était une piste qui nécessitait encore un examen par votre administration».
Vous avez également indiqué que les conventions signées en 2021 avec les opérateurs qui s’investissent dans le champ des arts plastiques comprenaient de nouvelles obligations, à savoir la rétribution de tout auteur de projet artistique en adéquation avec les moyens dont ils disposent et le travail fourni par les prestataires artistiques. Vous aviez précisé que les rapports annuels devraient évaluer l’application de cette obligation.
Le représentant de la FAP a pour sa part relevé lors des auditions qu’en l’absence de pourcentage obligatoire dévolu à la rémunération des artistes plasticiens, il n’y a aucune manière de s’assurer que l’augmentation de la dotation d’un opérateur culturel bénéficie à ces artistes. «Si l’opérateur prévoit 500 euros de rémunération pour une exposition qui a demandé un an de travail, il a rempli son contrat! Mais comment l’artiste remplit-il son frigo? Comment vit-il avec cette somme? Comment paie-t-il son atelier, son chauffage, son logement, sa nourriture?», a très justement souligné le représentant de la FAP.
Madame la Ministre, pourquoi rien ne semble-t-il avoir avancé depuis le mois de novembre concernant la rémunération des artistes plasticiens en Fédération Wallonie-Bruxelles? La proposition de la FAP a-t-elle été analysée par votre administration? Avec quelles conclusions? Que ressort-il des rapports annuels concernant les nouvelles obligations en termes de rétribution? Pourquoi n’y a-til pas de pourcentage obligatoire dévolu à la rémunération des artistes plasticiens pour les opérateurs subventionnés actifs dans ce domaine?

M. Matteo Segers (Ecolo). – La foire Art Brussels nous donne l’occasion de revenir globalement sur les arts plastiques. En effet, toute interrogation sur l ’avenir des artistes plasticiens et sur la manière dont ils peuvent exister en étant correctement rémunérés nous amène aussi à nous interroger sur l ’ensemble du champ des arts plastiques.
Madame la Ministre, le 1er mai, vous vous êtes rendue à cette foire, qui constitue un événement phare pour la promotion des arts plastiques en Fédération Wallonie-Bruxelles et même au-delà, puisqu’elle nous permet de faire rayonner certains de nos artistes à plus grande échelle. À cette occasion, l’ensemble du monde des arts plastiques se réunit et est valorisé par de multiples acteurs et médias.
Le sujet revient sans cesse et il est intéressant de le traiter, d’autant plus que durant les auditions sur la culture, des représentants des arts plastiques nous ont fait part de leur intérêt pour la poursuite du travail entamé en concertation avec vous.
La foire Art Brussels est également attendue par tout le secteur pour se développer et défendre les artistes, en faisant prendre conscience que ces derniers ont besoin d’un soutien direct. Je ne parlerai pas aujourd’hui du statut de l’artiste, qui dépend du pouvoir fédéral, mais ce point fait partie des interrogations soulevées. Toutefois, je souhaiterais surtout vous entendre sur le volet plus large des perspectives du travail en cours concernant l’ensemble du développement du champ culturel des arts plastiques. La DPC prévoit de développer les contrats de filière qui impliquent les différents niveaux de pouvoir concernés. À ce titre, nous défendons évidemment l’application de droits de monstration en Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi au niveau fédéral, car c’est le premier lieu de pouvoir qui pourrait établir ces droits de manière légale et affirmative. Les contrats de filière sont particulièrement pertinents dans les secteurs artistiques. Ils permettent de déterminer la meilleure façon de valoriser l’auteur entre le moment où il imagine sa production et le moment où celle-ci arrive entre les mains d’une personne. La DPC met aussi en avant le soutien plus affirmé aux artistes et la volonté de démocratiser davantage la culture et l’expression créative en général. Comment s’est déroulée votre visite à Art Brussels? Quelle image cette vitrine donne-t-elle au secteur des arts plastiques? Plus globalement, quelles actions sont entreprises pour respecter les engagements de la DPC propres aux arts plastiques? Quel est votre agenda? Quelles sont les étapes que vous comptez suivre? Quels sont les prochains développements concernant le soutien aux artistes plasticiens? Comment se déroule la concertation avec ce secteur en particulier? Pouvons-nous espérer que la FAP soit reconnue et intègre les chambres de concertation? Comment ses revendications légitimes s’intègrent-elles dans le travail que vous menez en dialogue avec elle?

Mme Bénédicte Linard, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes.
– Mon cabinet était présent lors des auditions du secteur culturel et il a entendu les revendications de la FAP. D’ailleurs, les services du gouvernement et mes collaborateurs entretiennent la concertation avec le secteur. Une nouvelle rencontre a d’ailleurs été organisée le 12 avril dernier entre mon cabinet et les représentants de la FAP afin d’aborder les nouvelles propositions. À cette occasion, il a été décidé que la charte et la grille de rémunération élaborées par la FAP seront présentées à la Chambre de concertation des arts plastiques dans les meilleurs délais. Pour ce faire, un représentant de la FAP sera invité en tant qu’expert extérieur afin d’expliciter le travail accompli. Il convient en effet de fixer un cadre de référence qui permettra tant aux artistes qu’aux opérateurs subventionnés de travailler dans un contexte adapté et transparent. La Chambre de concertation des arts plastiques a déjà expliqué l’importance d’instaurer une directive similaire à celle imaginée par la Flandre, tout en prenant en compte les différences communautaires entre les secteurs francophone et flamand. En Flandre, la directive n’est pas contraignante, mais elle ouvre le dialogue entre les partenaires et encadre les bonnes pratiques. La Chambre de concertation des arts plastiques doit donc prendre en considération la spécificité de la Fédération Wallonie-Bruxelles lorsqu’elle analysera cette grille.
Dans le même temps, l’administration poursuit la rédaction d’un cadre référentiel et de recommandations destinés au secteur des arts visuels en Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle mène ce travail en bonne collaboration avec la FAP: tant le modèle de rémunération flamand que le modèle défendu par la FAP servent d’outils de travail pour la création de ce cadre.
Ce cadre devra être praticable pour les opérateurs subventionnés qui s’investissent dans le champ des arts plastiques ainsi que pour les artistes et accompagnants. Il devra s’inscrire dans le futur écosystème qui est en train de naître avec l’adoption d’un nouveau statut de l’artiste par le pouvoir fédéral. Par ailleurs, il s’agira également de s’inspirer des pratiques de rémunération déjà mises en oeuvre par certains des opérateurs du secteur. Ces travaux devraient aboutir avant la fin de l’année 2022.
Je tiens néanmoins à rappeler ici qu’il m’est impossible de rattraper l’absence de financement du secteur depuis quelques années et durant les législatures précédentes. Cette absence de financement a fait des arts plastiques le «parent pauvre» de la culture. Une rémunération juste aux artistes plasticiens et métiers connexes demanderait une revalorisation importante de l ’enveloppe actuelle dédiée aux arts plastiques. Pour rappel, cette enveloppe est inférieure à sept millions d’euros, dont deux sont alloués au Musée des arts contemporains (MAC’s).
Depuis mon entrée en fonction, je ne suis cependant pas restée inactive.
D’abord, j’ai permis à la FAP de se structurer grâce à un soutien de 50 000 euros que je leur accorde pour ce faire. Ensuite, je lancerai prochainement un appel restreint aux nouvelles fédérations afin que la carence avérée au sein de la Chambre de concertation des arts plastiques soit comblée et que laFAP soit reconnue comme fédération représentative du secteur. Ces derniers mois, j’ai revalorisé plusieurs types de soutien, dont les aides à la création, et ce, pour tous les domaines des arts visuels, à savoir les arts plastiques, les arts numériques, le design et la mode. J’ai également élargi les aides à la diffusion au secteur des arts visuels, ce qui donnera un nouvel élan à la relation entre les plasticiens et les publics et ce qui contribuera également à une meilleure rémunération des artistes, curateurs et médiateurs. En outre, je travaille actuellement à l’élaboration d’un arrêté d’application du décret du 3 avril 2014 relatif au secteur des arts plastiques. En effet, il n’existe pas encore d’arrêté à l’heure actuelle. Un tel arrêté d’application pourra être un prétexte de choix pour aborder, en concertation avec le secteur, les opérateurs et la Chambre de concertation des arts plastiques, les critères de rémunération dans les institutions subventionnées. Cette concertation sera également le lieu pour débuter la réflexion sur un contrat de filière en arts plastiques qui, comme vous l’avez souligné, Monsieur Segers, figure dans la DPC. Je conclurai en disant que mon passage à la foire Art Brussels fut extrêmement gratifiant. J’ai rencontré l’artiste plasticien, Valérian Goalec, et la commissaire d’exposition, Maud Salembier: ils interrogeaient le rapport des objets à leur place dans le quotidien avec une intuition très sobre et en totale adéquation avec le stand qui leur était réservé. Une foire de ce type est un moyen extrêmement important pour le lancement de carrière des jeunes artistes. C’est pourquoi la Fédération Wallonie-Bruxelles continuera à y soutenir la participation de ses artistes. J’ai d’ailleurs prévu de renouveler la présence de la Fédération à Art Antwerp pour la deuxième édition en 2022, au vu de la retombée positive qu’a eue l’édition de 2021.

M. Charles Gardier (MR). – Les arts plastiques ont longtemps été mis de côté et vus comme le parent pauvre de la culture. Heureusement, c’est en train de changer. Je vous remercie, Madame la Ministre, d’y être attentive et d’y travailler. Vous êtes à l’écoute du secteur pour lui donner un cadre de référence et un contrat de filière. La Fédération Wallonie-Bruxelles regorge de talents dans ce domaine. Ces premiers pas ont toute leur importance et en appellent beaucoup d’autres.

Mme Amandine Pavet (PTB). – Les artistes plasticiens soulèvent le problème depuis des années. Ils n’ont malheureusement pas encore obtenu de réponse. Les changements concrets concernant leurs conditions de vie se font attendre. Lors des auditions, le représentant de la FAP a rappelé que les artistes peinent à remplir son frigo et à payer leurs factures. Le statut d’artiste ne va pas tout régler. Ici, il s’agit plutôt de la rémunération au moment de l’exposition. Dès lors que les artistes travaillent, ils doivent être payés. Actuellement, des artistes doivent donner une oeuvre d ’art pour espérer s’exposer. Ils paient donc pour être vus, ce qui est tout bonnement scandaleux. Vous expliquez, Madame la Ministre, qu’une solution sera trouvée «dans les meilleurs délais». Cette expression m’inquiète, tant elle est vague. Vous rapportez que la grille de rémunération flamande n’est pas contraignante. Nous souhaitons que vous ne vous inspiriez pas de ce système, mais plutôt de la demande de la FAP, qui souhaite un dispositif contraignant. En revanche, le taux de rémunération flamand sera apparemment plus élevé que celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous espérons donc que cet exemple sera suivi. Nous y serons attentifs. Il paraît essentiel que ce dossier progresse rapidement pour offrir un salaire à ces travailleurs.

M. Matteo Segers (Ecolo). – Nous sommes ici pour changer le monde. Par votre réponse, Madame la Ministre, je comprends que vous soutenez la FAP et que cette dernière sera bientôt reconnue. Le dialogue est également en cours au sujet des droits de monstration. Nous défendrons ce point au niveau fédéral.
Les initiatives annoncées sont d’autres manières de changer le monde: avancer sur les arrêts d’application du décret; renforcer les secteurs; soutenir certains métiers; mettre en oeuvre les contrats de filière. Il est en effet préférable de prendre le train en marche et d’essayer de rattraper notre retard que de faire du surplace. Je vous remercie dès lors pour ces actions et pour la poursuite du dialogue avec le secteur.

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1 commentaire pour “3 questions parlementaires à propos de la rémunération dans les arts plastiques”

  1. La question de la rémunération des artistes plasticien.ne.s devient enfin un problème politique. Les parlementaires s’en saisissent.
    On se demande néanmoins pourquoi Matteo Seghers dévie le problème en parlant de la foire, renvoyant ainsi les artistes au « marché de l’art » pour assurer leur subsistance. On ignorait qu’écolo avait de telles positions.
    La Ministre, comme souvent répond de manière confuse et inexacte. Ainsi, selon elle, c’est le 12 avril, qu’il a été décidé, lors d’une rencontre entre son cabinet et laFAP, que la chambre de concertation analyserait la grille de rémunération.
    Mais on pouvait déjà lire dans sa réponse du 22 février « j’ai saisi la Chambre de concertation des arts plastiques en lui soumettant le projet de charte pour étude et avis. La Chambre a donc mené une réflexion sur les modes de rétribution des artistes plasticiens, y compris les droits de monstration. » et enfin, on pouvait encore lire le même jour « comme précisé dans le journal «Le Soir», la FAP a saisi la chambre de concertation concernée et le Conseil supérieur de la culture (CSC). Il est de leur droit d’agir de la sorte et la démarche est positive, d’autant plus que le travail est en voie de finalisation. » Autrement dit, la Ministre affirme en février que laFAP a elle-même demandé un avis à la chambre de concertation (ce qui est exact); mais en même temps que la Ministre a elle aussi saisi la chambre de concertation en lui soumettant le projet de charte, puis, enfin, en mai, que c’est en avril que la décision de soumettre la grille aurait été prise collégialement, par le Cabinet et laFAP.
    On voudrait noyer un poisson qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Sachant que la Ministre ne veut pas se prononcer sur la grille de rémunération avant d’avoir reçu l’avis de la Chambre de concertation, ce n’est pas anodin de savoir si elle a bien demandé cet avis et quand.
    A moins que ce qu’il faille retenir de ceci est que la chambre de concertation ne travaille que sur ordre de Madame la Ministre. Mais alors, c’est la démocratie qui en prend un coup.
    (on peut relire l’intervention du 22 février ici http://lafap.be/b-dispa-interroge-la-ministre-de-la-culture/)

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