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Pourquoi laFAP ne peut applaudir le projet de réforme du « statut » de l’artiste

pour rappel : le Gouvernement s’est engagé à formuler « des propositions précises, objectives et justes pour les artistes actuels et en devenir ».

Si l’on analyse les effets de la proposition de statut sur la situation des acteurs et des actrices de l’écosystème des arts plastiques, nous constatons qu’elle ne remplit pas toujours l’objectif annoncé par le Gouvernement notamment en ce qui concerne la justice sociale. Ce projet nous semble profondément inéquitable car il repose sur l’économie d’un secteur en faisant croire que sa logique économique est transposable aux autres secteurs, en l’occurrence celui des arts plastiques. Or, il n’en est rien.

Voici quelques exemples de scénario correspondant à des situations types rencontrées dans le secteurs des arts plastiques.

1. Jeune artiste, étudiante brillante, diplômée depuis 3 ans.

Depuis la fin de ses études elle a obtenu deux résidences de création à l’étranger, elle a reçu un prix important en FWB pour les jeunes artistes (découverte du rouge cloître), elle a été exposée dans trois expositions collectives (dont deux dans des lieux soutenus par la FWB). Son travail a également été rendu public lors d’une exposition personnelle, liée au prix qu’elle a obtenu. Elle a la chance que ses parents continuent à la soutenir financièrement.

Il s’agit d’un très beau parcours dont peu de jeunes diplômé.e.s peuvent se prévaloir.Pour que ces activités publiques aient lieu, un important et long travail en atelier a été nécessaire.

Avec de telles activités, on suppose que cette jeune artiste obtiendra sans difficulté son attestation du travail des arts.

Combien a-t-elle gagné pendant ces 3 années d’activités artistiques :

  • Résidence 1 : logement et nourriture pendant 1 mois, 500 euros de défraiement.
  • Résidence 2 : logement, transport, 1000 euros d’honoraires.
  • Prix découverte : 3000 euros
  • 3 expositions collectives : total : 150 euros (2 lieux ne proposent aucune rémunération).
Situation statutaire.
  • Application du statut actuel : pas d’accès, montant insuffisant. (Elle a obtenu 4650 euros pour 3 ans de travail)
  • Application du projet de statut : pas d’accès, montant insuffisant. (Ses revenus devraient atteindre la somme de 9754 euros en 2 ans)

Si le statut consiste à offrir un cadre minimal de protection sociale aux artistes qui travaillent et rendent ce travail public, alors, il n’atteint pas son objectif.

2. Artiste, 50 ans, marié, avec enfants.

Il peint depuis toujours, a réussi un cursus supérieur dans une EsA, mais a pris un travail alimentaire lorsqu’il est devenu père. Il travaille sur des chantiers sous statut de salarié.

L’artiste peint et dessine, expose de temps en temps, en vend parfois. En moyenne : 3 peintures par an, 500 euros pièce. Il n’a pas la possibilité de consacrer tout son temps à la création, n’a pas le temps de postuler pour des résidences, ou des bourses. Il travaille dans son atelier dès qu’il a du temps, le soir, la nuit, les WE.

Situation statutaire.
  • Application du statut actuel : pas d’accès, montant insuffisant. (3000 euros en deux ans)
  • Application du projet de statut : normalement, cet artiste devrait avoir accès au statut puisque « le travail est pris en compte quel que soit le secteur d’activité ».

Néanmoins, la commission des travailleurs des arts artiste devra se prononcer : obtiendra-t-il son attestation du travail des arts ? Si oui, le nombre d’attestations délivrées sera très important, car ce cas de figure est très fréquent (pour rappel, plus de 70 % des diplômés de l’Enseignement supérieur artistique sont plasticiens ou plasticiennes) et on ne peut que s’en réjouir. Mais dans ce cas on comprend mal les remarques émises par les co-rédacteurs de la note WITA concernant son caractère réaliste en terme de financement. Si cet artiste n’obtient pas son attestation du travail des arts, on se demande au nom de quel argument autre que budgétaire.

3. Jeune performeuse.

Depuis dix ans, elle montre son travail dans différents lieux institutionnels, parfois prestigieux.

Elle explique son économie : elle a eu la chance de bénéficier d’un héritage qui lui a permis d’acheter une maison en très mauvais état dans un quartier défavorisé de la capitale. Elle a rénové la maison et en loue certains étages ce qui couvre le prêt qu’elle a tout de même du contracter, et lui permet d’être logée et de disposer d’un espace de travail « gratuitement ». Elle dit : « lorsque tu n’as plus la pression de devoir trouver chaque mois la somme nécessaire à ton loyer, tu peux travailler… c’est pas grave si pendant 2 semaines tu ne manges que du riz… »

Elle explique encore sa chance d’avoir une pratique de performance. Car les performances, engageant la présence de l’artiste devant un public, s’apparentent au travail d’acteur et sont presque toujours rémunérées.

Elle obtient également parfois des commandes de travaux vidéographiques.

Elle travaille avec la SMART et espère bientôt obtenir suffisamment de cachets pour pouvoir prétendre au bénéfice du statut.

Situation statutaire.
  • Application du statut actuel : pas d’accès, montant insuffisant. (Mais elle est en bonne voie pour arriver aux montants nécessaires).
  • Application du projet de statut : la jeune performeuse aura accès au statut, les montants de ses cachets étant suffisants.

Si la pratique de l’artiste plasticien.ne se rapproche de celle des arts vivants, alors le statut est plus accessible et le projet de réforme du statut permettra de l’acquérir plus facilement.

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